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LE SOL, ENQUÊTE SUR UN BIEN EN PÉRIL


Frédéric Denhez, Editions Flammarion, 2018

Paru en 2014, sous le titre "Cessons de ruiner notre sol !", l’ouvrage de Frédéric Denhez, journaliste spécialiste des questions environnementales, a été actualisé et réédité en 2018. En effet "c’est quasiment le seul en France à parler des sols en s’adressant à tout un chacun - entendez : aux non spécialistes". Et il est vrai que "Le sol, enquête sur un bien en péril" combine l’anecdote avec les réflexions générales, avec toujours beaucoup de pédagogie et un sens de la formule.

L’ouvrage nous fait découvrir que le sol n’est pas qu’une "surface à deux dimensions sur laquelle on peut à loisir faire couler le béton et le macadam". Mieux, l’auteur nous donne une lueur d’espoir : "l’agriculture avait quitté le sol, elle y revient et c’est une révolution". Malgré les discours "d’anciens combattants" radicaux que sont Claude et Lydia Bourguignon, "une révolution agricole est en marche, silencieuse, discrète".

Toutefois, on revient de loin, car "les sols sont dans un piteux état, par notre faute". D’abord à cause du labour et de la "perfusion chimique et mécanique" sous lequel ont été mis les sols pour faire reculer le spectre de la famine. Ce qui donne l’occasion à l’auteur de nous livrer en deux chapitres une rapide histoire de l’agriculture et de son impact sur les sols : "l’agriculture une histoire de fumier" et "la paysannerie labourée par la PAC".

Les sols agricoles sont aussi largement impactés par l’artificialisation. Quelle ville n’a pas vu ses élus "abandonner quelques hectares de terre magnifique à un banal projet commercial …financé par une enseigne de la grande distribution qui tient tout le monde agricole à la gorge". La mesure exacte de l’artificialisation est complexe, mais ce qui est sûr, c’est que "la transformation des terres agricoles a lieu prioritairement là où les terres sont les plus riches".

Le sol, comme beaucoup de choses dans notre monde, est devenu un enjeu financier. D’abord pour les collectivités pour lesquelles un sol recouvert d’un bâtiment rapporte beaucoup plus de taxes qu’un sol agricole. Ensuite pour les financiers pour qui le sol devient une valeur refuge. "Gavées d’engrais, de pesticides, de labours et de subventions, les monocultures sont aujourd’hui des bons placements conseillés par les banques".

Mais finalement "Qu’est-ce que cela peut bien nous faire que le sol soit recouvert de bitume, vendu à des méchants capitalistes chinois ou tellement abimé par la charrue et le pesticide qu’il peine à nourrir le lombric ?». À travers la réponse à cette question, l’auteur nous montre que nous dépendons totalement du sol, ce sol qui a mis des milliers d’années à se former, qui retient l’eau, qui fixe les polluants, qui stocke le carbone, qui régule la température, qui entretient la vie, qui nous nourrit.

Pourtant suivant les théories de Liebig, le chimiste qui a fait la promotion de l’engrais minéral au 19e siècle, « en troquant le fertilisant animal, l’ancestral et rural fumier, pour l’industriel engrais minéral, on perdit de vue le sol en tant qu’écosystème pour n’en retenir que le support de culture enrichi d’oligoéléments ». Mais c’était Darwin qui avait raison : "plus efficace que le soc de la charrue, le ver de terre est l’ingénieur de nos campagnes ».

Alors il faut rhabiller nos champs avec de nombreuses plantes, car "un bon sol, c’est un sol à la vie riche, un sol dont la microbiologie est active et diverse, un sol qui en surface est couvert d’une grande pluralité de plantes". Et éviter les pesticides et les engrais qui, s’ils ne tuent pas toute la vie du sol, en perturbent beaucoup le fonctionnement.

L’auteur termine son ouvrage par "10 pensées pour les sols" en proposant des actions concrètes pour permettre aux sols de se régénérer.

Et dans sa conclusion, Frédéric Denhez nous fait toucher du doigt le besoin pour l’agriculteur redevenu paysan d’intégrer de multiples compétences : "il était un remarquable technicien, un peu mécano, un peu chimiste, un peu informaticien, beaucoup comptable. Il sera en plus un peu agronome, pédologue, biologiste, botaniste, zoologue, mycologue, forestier, hydrologue".

Un petit livre très accessible pour prendre conscience que le sol est un bien commun dont nous devrions collectivement prendre beaucoup plus soin.

 

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