L’entreprise altruiste
Isaac Getz, chercheur et professeur à l’ESCP Europe et Laurent Marbacher, Innovateur social et consultant, sont partis pendant 5 ans à la recherche d’entreprises « qui agissent avec un respect profond de leurs fournisseurs, de leurs clients, de leurs employés ou des territoires où elles opèrent » . Ils en ont tiré le concept d’entreprise altruiste, des entreprises qui partagent deux grandes idées :
- la première, c’est que « les bons résultats économiques sont la conséquence organique de la finalité sociale ». C’est ce qu’ils appellent le phénomène « d’obliquité » : un bon résultat économique ne s’obtient pas à travers des modèles économiques et des processus, mais est la conséquence d’une action déterminée pour apporter un service authentique à tous ceux avec lesquels l’entreprise interagit.
- la deuxième est que cette « finalité sociale du service de l’autre doit être poursuivie inconditionnellement à travers les activités cœur de métier », c’est-à-dire sans les conditionner à aucun intérêt financier.
Une fois posées ces deux grandes idées dans une courte introduction , les auteurs nous avertissent « Si vous pensez découvrir dans ce livre une recette magique pour l’appliquer immédiatement votre entreprise, vous serez déçus » . L’ouvrage est structuré comme un récit de voyage, un ensemble de petites nouvelles qui racontent l’histoire d’entreprises de toutes tailles et de toutes structures juridiques, un peu partout dans le monde. Toutes ces entreprises sont acteurs de cette philosophie oblique où le cœur de métier est au service du bien commun, tout en ayant des performances économiques excellentes.
Ces petits récits sont structurés autour de thématiques qui permettent d’illustrer les différentes facettes de l’entreprise altruiste : s’enrichir en donnant tout, savoir donner avant de recevoir, de la tension intérieure au service inconditionnel de l’autre ( arrêter de vouloir réconcilier la valeur sociale et la valeur économique) commencer par se transformer ( à commencer par la transformation du dirigeant ) , ces autres peu ou trop visibles ( prendre soin de ses fournisseurs) , faire confiance en excluant le contrôle ( sur le modèle de l’entreprise libérée) , agir pour le bien commun sans trop en parler ( agir sur son territoire ) , lorsque l’actionnaire est une personne ( une autre relation avec les actionnaires) , recherche mauvais garçon pour en faire un patron ( aider les plus fragiles).
Ces récits très vivants se font à travers les portraits des femmes et des hommes qui font ces entreprises. Les auteurs nous racontent en particulier comment les personnes qu’ils interviewent ne se prennent pas au sérieux et sont souvent dans l’étonnement amusé de ce qu’ils ont provoqué comme transformation d’eux-mêmes et de leurs interlocuteurs.
C’est un livre qui plaide pour « l’abandon d’une recette usée, celle de l’entreprise mécaniste fondamentalement conçue pour la création de valeur économique . Au contraire « il s’agit plutôt de s’appuyer sur la philosophie de l’entreprise altruiste pour faire émerger un mode de fonctionnement original qui ne cessera d’évoluer grâce à la cocréation constante de tous et en fonction d’un monde qui change perpétuellement ».
Un livre inspirant qui nous démontre par l’exemple que quand une entreprise s’engage réellement à exercer sa responsabilité sociétale, c’est-à-dire à prendre soin inconditionnellement de ses parties prenantes, elle est tout à fait viable économiquement et surtout plus résiliente.